
Peu à peu les rôles se définissent d’eux-mêmes : Didier à la barre aime jouer avec le vent pour en tirer le meilleur, je lui laisse ainsi la responsabilité du capitaine en gardant pour moi le pompon rouge du mousse doublé d’un maître coq et cela me sied à merveilles.
Nous saluons bien bas la Sardaigne et les majestueuses beautés de sa côte Est pour continuer notre route vers la Sicile. La traversée durera 30 heures : nous sommes dans les petits papiers d’Éole qui souffle dans nos voiles un vent soutenu Sud-Est et nous accompagne jusqu’à vue de la Sicile.
Aleph s’étire, claque et déploie ses voiles, heureux de retrouver l’ampleur du grand large ; en se posant sur son gite, il avance vaillant et fouette la vague qui ose croiser son chemin. L’écume légère s’élève, le sillage se creuse, le vent souffle dans nos cheveux et derrière nous la Sardaigne se fait toute petite et délicate jusqu’à ressembler, au crépuscule, à une esquisse de trait à peine plus sombre que l’eau. Elle a eu l’élégance de disparaître avec le jour.

Kalisto & Khaleesi viennent nous rejoindre dehors alors que le crépuscule nous embrasse ; le vent souffle plus fort, nous prenons un ris et Aleph nous emporte à 7 nœuds. Une petite exaltation me fait frissonner : Aleph navigue en mer profonde, aucune île n’est en vue et le ciel s’assombrit en allumant ses étoiles. « Seuls au monde », c’est ainsi, n’est-ce-pas ?
Que vous dire de la beauté de ces myriades de soleils qui brillent dans la nuit froide ? Ce soir, au lieu d’utiliser les mots, j’aimerais vous prendre par la main et vous asseoir juste à côté de moi, dans le cockpit, emmitouflé(e) d’une couverture (et d’un gilet de sauvetage et ligne de survie, il va de soi) afin que vous respireriez l’air humide du large, que vous ressentiez la douceur de l’eau sur les flancs d’Aleph, qu’en vous penchant pour contempler l’écume dans l’obscurité vous aperceviez, émerveillé comme un enfant qui découvre sa première luciole, le plancton luminescent qui éclate ça et là d’un éclair de phosphore dans la noirceur de la nuit et accompagne notre voyage nocturne de ses scintillements féeriques. En levant vos yeux peut-être allez-vous soupirer d’aise ? Vous allez comme moi reconnaître la Grande Ourse qui veille sur le Nord et contempler les autres constellations en essayant de vous souvenir à quoi ressemble le baudrier d’Orion, si cette étoile particulièrement brillante ne serait pas Altaïr et vous demander quel poète a offert aux étoiles les noms qu’elles portent depuis des milliers d’années.

Sous la voie lactescente le silence s’impose et les pensées remplacent les paroles. Des pensées pragmatiques qui font réaliser que ces soleils brillent également de jour mais qu’il faut la noirceur parfois effrayante de la nuit pour faire jaillir cette émouvante beauté. Des pensées plus intimes aussi; les vôtres je ne les connais évidemment pas mais les miennes me font divaguer sur l’immensité du temps & de l’espace qui me renvoient à ma propre finitude et petitesse. Nous naviguons entre 2 îles, libres de tout hormis de la contrainte de mener Aleph à bon port. Loin derrière moi il y a la ville-fourmilière, l’horloge, l’empressement, le monde bruyant et la tristesse parfois palpable des âmes nomades qui se démènent dans une sédentarité imposée.
Je ne suis pas une fourmi sédentaire, je redeviens un animal libre et nomade. Ailé, peut-être ?
Didier somnole, je suis de quart et veille en cherchant sur l’horizon l’improbable navire qui croiserait notre route. Je le vois enfin à bâbord, dans la noirceur absolue de la nuit. On reconnaît les bateaux à leurs feux : rouge, vert et blanc. Mais ce voilier est étrange car au lieu d’allumer ses feux réglementaires, il éclaire toute sa voile qui arbore une couleur orange pâle presque dorée. J’observe cette silhouette mollement illuminée qui fait route vers nous. Il doit être assez proche ou immense, car une voile n’est pas visible de loin. L’incompréhension s’empare de moi, je réveille Didier qui contemple cet étrange vaisseau dont la voile grandit encore !
Désorientée, je saisis les jumelles : ce que je prends pour une voile n’est autre que la lune rousse dans son dernier quart qui émerge des flots sous nos yeux.
Quelle Joie de vous lire Fabienne 🙏🏻
Merci infiniment pour ces partages où, l’espace d’un instant, j’étais assise à côté de vous à contempler les beautés de la Nature💝
Belle suite de découvertes magiques✨
Merci d’avoir été à bord avec nous, un instant.
Merci d’avoir faire volée mon imagination dans le vent, à côté de toi et tes chats de mer, en regardant Didier, le Captain…. je respire la humidité du mer avec vous et voir dans le distance la lune, ….. that slowly rises up from the far infitive horizon!!!
Sweet sparkling dreams to the 4 of you 💫💫🐈🐈
how could we live without this far infinite horizon hidden deep inside our hearts and soul ?
Jean-Claude rêvait de contempler les étoiles , tu peux partager cela avec lui !! Irez vous jusqu’à L’île de Stromboli ? Il y a beaucoup de courage et aussi de sagesse dans votre navigation …!
Chaque soir nous décidons où aller le lendemain, nous avançons sans savoir. Ce matin nous sommes au mouillage à Terrasini, le temps se gâte, nous nous dirigeons vers Palerme pour trouver un abri pour passer l’orage prévu demain. Les îles éoliennes ne sont pas loin, nous verrons si Éole les garde jalousement ou s’il est enclin à partager son domaine avec nous…. Jean-Claude est là, quelque part perché sur le mât sans doute. Je lui dirais bonjour de ta part.