Prise en main du gouvernail

Aujourd’hui nous ramenons notre voilier à Port Camargue, plus proche de Lussan, où nous habitons. Le convoyage dure 2 jours, avec une escale à Gruissan et un total de 70 milles nautiques à parcourir. Alexandre fait le voyage avec nous et je dois dire que cela me rassure, car gouverner notre voilier de 47 pieds de long (env. 14 mètres), ce n’est pas comme être au volant d’une mini Cooper ! La première différence de taille, est que le frein n’existe pas sur mer. Il faut compter sur l’inertie : les 11 tonnes du bateau commencent à se mouvoir au bout de quelques secondes et il faut également ce laps de temps pour qu’il réagisse, que ce soit pour un changement de cap, un ralentissement ou une accélération. C’est l’opposé parfait de notre société où tout se doit d’aller vite, d’être instantané et sans délai.

Sur terre la patience et un mot qui disparaît de notre vocabulaire, au profit de son frère siamois : l’impatience. Je sens qu’un séjour prolongé sur mer me fera le plus grand bien, ceux qui me connaissent savent de quoi je parle…

départ de Gruissan à l’aurore

Nous partons au petit matin où l’aube pointe à peine sa clarté. La sortie du port se fait au moteur, avec les feux de navigation réglementaires allumés : rouge à bâbord, vert à tribord. Hors du port après avoir hissé les voiles face au vent et éteint le moteur, le bruit s’apaise et nous entendons la chanson a capella du vent dans nos immenses draps aériens et le bruissement de l’eau qui lui répond. L’étrave traverse la houle et l’eau, fâchée d’être dérangée, fouette la coque et cela me met en joie : « fouette ma belle, aujourd’hui nous passons, merci de nous offrir ce libre passage ».

C’est un magnifique matin d’hiver et les conditions sont favorables. Le vent appuie sur les voiles, le bateau gite pour échapper aux caresses de l’air. En allure de près, nous adoptons une vitesse de 7 nœuds. Cela correspond à 11 km/h. En mer, l’exaltation est accessible dans la lenteur.

Et puis soudain une pointe rose fuchsia émerge à l’Est, elle grossit au-dessus de l’eau pendant que tout le ciel se drape de lumière. Le moment est parfait. Je serre mon mug de thé noir qui me réchauffe les doigts et remercie l’instant.

Aujourd’hui le voyage ne nous amène qu’à Port Camargue où une rénovation majeure du bateau nous attend, mais qu’importe, car l’ivresse véritable est en nous, elle correspond à l’instant. Et debout sur le pont, les cheveux au vent, le regard à la fois très loin et totalement présent, mon cœur est en ébullition : moi, une fille des montagnes, qui adore crapahuter sur les rochers des Dents du Midi, la mer me plait.

14 Comments

  1. Merci merci…
    Et pendant ce temps je suis plongée dans “la longue route “ de Bernard Moitessier.
    Alors je suis dans l’ambiance!!
    J’adore ces aventures maritimes ou montagnardes!!!
    Vous aurez de quoi écrire un beau livre mais en attendant merci de nous partager la vôtre!
    Betty

    1. Je lis également la longue route en ce moment… je viens de passer le Cap Horn. tant d’émotions dans les lignes de Moitessier. Un grand Monsieur.

      1. Coucou Fabienne,
        Super pour les nouvelles et ce début de voyageet les magnifiques photos..
        Ça fait envie mais en vs suivant c’est comme si j’y étais🤩 Au plaisir de lire la suite..Profitez un max ..😍😘

      2. Bonjour fabienne
        Je connais le bonheur de naviguer , et je sais combien ces moments de liberte me manquent ! Merci de les partager …
        Bon vent a vous et bon voyage

  2. J’étais avec toi en te lisant. Je comprends très bien comment on se sens sur ce beau bateau avec le soleil qui se lève. Profite bien et à bientôt. Bisous à vous deux.

  3. Quelle plume!
    Un grand merci de partager avec autant d’émotions.
    On se transporte rapidement à bord.

    1. Je vis mon bonheur par procuration. Vos partages sont si beaux , si poétiques que l’on se laisse très facilement embarquer à bord.
      Je resterai discrète, c’est promis…Bon voyage.
      Au plaisir de vous suivre.
      Merci beaucoup.
      Virginie

  4. Absolument Merveilleux !
    Ce récit me rappelle l’exaltation de ma première traversée à l’aube … direction la Corse … c’est sublime !
    .. et d’autant plus lorsque les Dauphins nous rejoignent, au large, pour un moment de gaité … flirtant avec l’étrave, dans un ballet joueur et enchanteur !
    C’est émouvant aux larmes de Beauté et de Liberté….
    Ça me donne des envies …
    Bravo pour avoir le courage de tout mettre entre parenthèses … et Vivre … cette Aventure de Liberté !
    💋❤️😘

    1. C’est un plaisir de suivre cette belle aventure, merci pour le partage généreux!

  5. Wow mais Gruissan ? j’ai vécu 22 ans à Narbonne 🙂 Enjoy !

  6. Bravo Fabienne de partager cette magnifique aventure.
    Et quelles photos !
    On est tous avec vous !

Comments are closed.