En septembre dernier, alors que nous discutions en Grèce avec des amis, nous leur avons fait part de notre projet. Il tenait en une simple phrase, prononcée entre une gorgée de vin et deux pistaches grillées, à l’heure de l’apéritif : « nous avons décidé de changer de vie : nous allons vivre à bord un voilier, en nomades et reviendront en Grèce à la voile». Les grands changements de vie tiennent souvent en une phrase.

L’idée n’est bien sûr pas neuve et nous l’avons clairement empruntée à Odysseas, à ceci prêt que lui n’eut pas la chance d’un moteur sur son navire. Mais qu’importe, puisque c’est l’expérience qui nourrit son homme et pas seulement les idées.
Certains de vous ont été enthousiastes, d’autres incrédules mais aucun ne nous a découragé en citant le désastre que pouvait faire une Circé, un cyclope ou même une Scylla sur les navigateurs.
Dimanche dernier nous avons quitté Syracuse en mettant cap au 100°, quasiment plein Est, en direction de la Grèce. La traversée dura plus de 50 heures et ma foi il n’y a aucune histoire éolienne à conter, puisque le vent décida d’honorer d’autres rendez-vous que le nôtre : nous avons vécu 50 heures de « pétole » (absence de vent) : vous aurez bien compris que cela signifie 50 heures de moteur, que nous remercions chaleureusement pour sa participation active à notre Odyssée.
Les deux nuits furent consacrées à contempler les étoiles et dame lune à son quart plein et surtout godiller entre les pétroliers, porte-containers et vraquiers en tout genre car nous avons croisé une route importante de transport maritime.

A la vue des côtes du Péloponnèse j’ai hissé le pavillon grec de courtoisie. Nos téléphones ont émis quelques soubresauts qui nous prouvèrent qu’ils revenaient à la vie après avoir été coupé du monde des antennes deux jours entiers. Mardi à 16 heures, Aleph passe fièrement l’embouchure de la baie de Navarin bordées de falaises déchiquetées. Petit triomphe, grands sourires fatigués.
Nous mouillons près du port par 8 mètres de fond, face aux falaises ocres ; fourbue par ces deux nuits de veille, la sérotonine du bonheur me tient encore debout. Le dinghy est mis à l’eau et nous voici en route vers le port de Pylos. Car la véritable arrivée reste l’atterrissage.
Nous sommes dans la baie témoin de la bataille de Navarin qui rendit sa liberté à la Grèce il y a 2 siècles, après le joug ottoman. Premier arrêt dans la petite ville sera le magasin d’accastillage afin de dénicher des cartes marines grecques : Corse, Sardaigne, Sicile : ces d’îles somnolent à présent à la surface de leurs cartes repliées dans le placard ; l’odyssée continue avec de nouvelles cartes (déc-)ouvertes.
Dans son magasin aux airs d’une caverne d’Ali Baba, Fotis nous reçoit d’un grand sourire en nous servant une citronnade fraiche appréciée dans la chaleur précoce de ce mois de juin ; nous étudions les cartes qu’il étale devant nous, je récite les noms des îles en suivant de mon doigt le trajet hypothétique d’Aleph : Cythère, Elafonisos, Movemvasia, Milos, Folegandros, Skinoussa, Ikaria, Andros…. Chaque nom vibre comme une promesse.

Nous repartons avec notre carte (et une bouteille d’huile d’olive gentiment offerte) avant de nous attabler à l’ombre de l’immense platane de la place, repus de fatigue, heureux, profitant d’un moment de détente avant d’avitailler la glacière : feta, olives, pastèque, quelques tomates et les fameux « spanakopites » que j’aime tant (feuilleté d’épinards à la feta) ramenés à bord. Et le soir, malgré la fatigue, nous retournons à terre pour manger notre « souvlaki » (Je n’irais pas jusqu’à dire que nous avons parcouru 1350 milles nautiques juste pour savourer ce souvlaki, mais il n’y a pas loin). La place est animée dans la tiédeur de la nuit, je m’immerge dans cette vie simple où les gens s’apostrophent dans la rue, se tutoient sans se connaître, sont généreux, bienveillants même s’ils sont parfois rustres de silhouette. Mais qu’est ce que l’image pour celui qui saisit l’invisible caché derrière ? Le retour à Aleph se fait au dinghy dans la nuit noire, frontale allumée.

Ce matin je me lève tôt, un coq coqueline au loin, des merles chantent depuis les arbres des falaises, une mouette gargouille soudain d’un rire gras près de nous… La mer presque verte est habillée de velours et de silence. De la plage de bain en teck je me glisse dans l’eau en tenue d’Eve, la tiédeur de l’eau m’enveloppe comme une mère protectrice, je brasse désœuvrée autour d’Aleph, sirène sans aucun marin à charmer, je dessine de larges ronds dans l’eau, immergée dans l’instant, dans la joie tranquille qui se répand en moi.
Je suis de retour en Grèce.
Nous l’avons fait. Et l’aventure ne fait que commencer…

Magnifique, vous l’avez fait. Bravo à vous deux. Bon séjour au pays. Et à très bientôt à Andros. Bisous.
Aucun marin à séduire? Un capitaine mamzelle!!!! Je suis jalouse de tout. L’huile, la baignade nue, les slouvakis, les spanakopitas! 😂😊💕☀️🙏🏽
Bravo à vous deux et à Aleph !!!
Bienvenue en Grèce ! Et à très bientôt dans la baie de Korthi !
Un grand merci pour ce voyage partagé
C’est passionnant de vous suivre. Merci pour ces partage. Amitiés
Magnifique ⭐️⭐️⭐️👏👏👏❤️
Félicitations à vous 4! On navigue avec vos photos, vos émotions, comme c’est bon! A dans moins d’un mois! Quelle joie de se sentir proche de cette date !
Quelle belle aventure! Καλωσορίσατε et à tout bientôt.
Merci de se partage