chevaucher le vent

Nous préparer à la grande aventure passe aussi et avant tout par la prise en main de nos voiles. Les sorties en mer se font régulières et le vent fidèle nous accompagne de tous ses caprices. Je vous jure qu’il n’y a pas meilleur enseignant.

Car naviguer un voilier passe avant tout par le respect du Vent. D’où vient-il ? A quelle puissance souffle-t-il ? Est-il accompagné de rafales ? De houle ? Joue-t-il avec la mer au point de lui arracher de l’écume ?

pas de sortie aujourd’hui !

A l’instar de beaucoup de voiliers, le notre est un sloop : il est constitué d’une grand-voile qui équilibre le bateau et d’une voile avant qui nous propulse. Dans nos sorties c’est le génois qui accueille le vent dans sa voilure ventrue, danse avec lui, se gonfle dans une valse parfois violente et fait avancer les 11 tonnes de notre bateau. Mais si le temps forcit, si le vent devient mauvais, on réduit la voilure pour utiliser par exemple une trinquette ou un tourmentin.

Je souris à ce nouveau vocabulaire. Trinquons ensemble ! Et dire que le vin de mes noces il y a 30 ans fût du Tourmentin valaisan, dont j’ignorais jusqu’à maintenant la véritable signification. Le tourmentin est une voile de tempête, petite et robuste.

En fin de compte, la voile ce n’est rien d’autre que la tentation de l’homme de dompter les dieux venteux. C’est une danse éphémère avec le souffle divin. La griserie des rafales, l’ivresse des bourrasques. Ce n’est pas un tango que nous entamons avec Eole mais bien une danse de Saint Guy ! Du corps à corps passionné, c’est lui qui mène la danse, nous met au gite, fait claquer une voile mal ajustée, écrase l’écume d’une vague contre notre coque, soudain change de direction et disparait, nous laissant déboussolé, la voile soudain molle et tous les sens aux aguets pour retrouver sa présence, à la fois désirée et redoutée. 

Quel plaisir de chevaucher le vent. Quelle crainte également : il est capable de tout. Sur terre ferme il nous décoiffe : la belle affaire ! Sur mer il lève des vagues déferlantes, parfois monstrueuses.

Notre moniteur Alain nous apprend comment ressentir sa présence, par la peau qui frissonne, par l’ouïe qui reconnaît son murmure sur l’eau ou par le regard, en observant une risée lointaine à la surface sombre de la mer. Et je me prends à rêver : conduire un voilier, c’est apprendre à percevoir l’invisible de tout son être, danser avec les divinités primordiales, Eole et Poséidon.

Minuscule sur la mer, je respire à pleins poumons, j’ai les cheveux dans la figure et la figure fouettée par le vent. Je me sens vivante. Je touche du doigt le divin.

10 Comments

  1. L’apprentissage de la voile me fait penser à l’apprentissage de la soumission. Soumission au vent qui règne en maître et que tu dois écouter pour jouir du plaisir de naviguer …

    1. Bravo et merci de partager avec nous ces moments magnifiques et des fois moins.

      Bon vent pour la suite et des belles expériences.

  2. Magnifiquement écrit Fabienne. J’adore. La voile permet d’être à l’écoute de tous nos sens, retour à la nature et aux vraies valeurs
    Bon vent

  3. Merci de nous apporter le vent du large, la joie de l’apprentissage de la navigation et le souffle de la vie qui vous porte, là-bas.
    Bon voyage les amis!

  4. Je vois que vous vous rapprochez de Spinoza, qui a dit, il y a près de 400 ans, à peu près que Dieu et la Nature étaient la même chose. ce qui lui a valu d’être exclu de la communauté juive d’Amsterdam et d’être en proie à la vindicte de ses condisciples (il a failli être assassiné). Ce qui nous rappelle le sort du président ukrainien qui, bien que juif lui aussi, a été traité de nazi par l’envahisseur!!!

    Ici, il fait beau mais sous une bise glaciale qui devrait se transformer en mistral chez vous. Bonne navigation!

    1. J’ai découvert ma première lecture de Spinoza lors d’une échappée solitaire en randonnée de quelques semaines, seule et perdue en pleine nature. des bivouacs sous les étoiles dans les prés ou en bordure de forêt, près des rivières, et tout ce silence peuplé du murmure de la nature. Le divin prend plusieurs noms, à chacun de le définir. pour moi il se cache également dans la beauté. un horizon à peine incurvé formé d’un bleu céleste et d’un bleu outremer plus soutenu, la surface argentée des vagues et le bruit frémissant du vent dans les voiles, à mes yeux c’est de la beauté, de la sérénité, et de la présence divine.

  5. Bonjour Fabienne, je suivrai avec plaisir votre aventure dans les mers de la conscience. Je vous souhaite un voyage enrichissant et pétillant.

  6. Ein wunderbarer Text, vielen Dank! Wegen unzureichender Französischkenntnisse habe ich ihn von Google übersetzen lassen – selbst dann verursacht er Gänsehaut! Alles Gute auf der Reise oder wie wir in Deutsch sagen « immer eine Handbreit Wasser unter dem Kiel »!

    1. merci pour vos mots; je me permets moi aussi d’utiliser g.traduction pour traduire votre texte : « Un texte merveilleux, merci beaucoup! En raison d’une connaissance insuffisante de Français, je l’ai fait traduire par Google – même dans ce cas, cela provoque la chair de poule! Tout le meilleur du voyage ou comme on dit en allemand « toujours une poignée d’eau sous la quille »!

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