poussière noire, poussière blanche

Arrivés à Port Camargue, la capitainerie nous a mis au ponton 22. J’aime cet augure. Le temps est magnifique et le soleil nous tient compagnie chaque jour, nous offrant des aubes d’or et des crépuscules empourprés.

Depuis quelques semaines nous travaillons d’arrache-pied à la remise à neuf de notre voilier avec très peu de moments de répits. Lever au petit matin, promenade sur la jetée, emmitouflés dans nos cabans, les oreilles au chaud sous le bonnet, nous prenons un café noir sur la terrasse déserte de « notre » bistrot, à peine ouvert. La patronne sympathique a l’accent chantant du midi teinté par des années de cigarettes, sa voix est un mélange de Rita Hayworth et de Manon des Sources. Les  mouettes rieuses passent au-dessus des bateaux qui dodelinent, sagement alignés à quai et nous croquons notre croissant en élaborant le plan du jour : à toi le ponçage de la table, à moi le décapage de la cabine de proue.

Didier à la spatule

La griserie de la première traversée a fait place à la noirceur de la poussière accumulée depuis des années dans les recoins les plus fourbes. Savon noir, bicarbonate de soude, vinaigre de ménage, une grosse brosse & du courage : les jours passent à récurer de fond en comble notre voilier. On arrache, on jette, on épure, on élimine quantité de choses : vieux caches en plastique cassés, vis rouillées par poignées, tissus défraichis, coussins informes, matériel périmé, planches de bois inutiles, même les WC y passent, et le frigo ne marche plus. Épurer pour ne garder que l’essentiel.

cabine de proue actuelle

C’est notre œuvre au noir. En alchimie, c’est l’œuvre initiatrice. Noir est la couleur de la carbonisation, de la terre sombre qui consume toute mort pour qu’elle retourne à poussière avant de renaître. C’est l’œuvre de compostage, si on veut, et cela marche pour les pelures de pommes comme pour les rénovations de bateau ou les changements de vie. Car comment construire, si on ne détruit pas auparavant ?

A bord de notre voilier, nous accomplissons notre œuvre sombre. L’eau purificatrice (et le savon, soyons pragmatique) fait resurgir peu à peu la vraie couleur du Gib’Sea, et jeter ma bassine d’eau noire pour la remplir d’eau claire devient un contentement qui m’emplit de petites joies.

Avant d’avoir à nouveau les cheveux au vent dans l’or lumineux du soleil, je les ai dans la poussière, dans la sciure, dans la sueur. Les anciens vaigrages moisis sont arrachés, la colle nettoyée et les parois propres et attendent la pose des nouveaux vaigrages que nous avons choisi couleur ivoire. Les boiseries sont poncées, après tant d’effort elles offrent enfin un élégant bois blond et doux au toucher. Blondeur & ivoire laissent prévoir que l’œuvre au blanc n’est pas loin.

décapage des boiseries

Le début de notre hiver camarguais s’écoule ainsi, au rythme d’un travail physique soutenu et des petites joies en voyant la propreté reprendre ses aises dans notre demeure flottante. Nous vidons le Graal pour bientôt le remplir et, ma foi, l’hiver est la meilleure saison pour cela car il devance l’énergie du printemps et la poussée de la sève. D’ailleurs depuis une semaine, les amandiers sont en fleurs.

Merci à tous ceux qui  nous ont soutenu en participant à l’achat de matériel pour le ponçage. Si vous désirez nous soutenir, vous pouvez nous offrir le café du matin qui nous donne du cœur à l’ouvrage en cliquant sur la photo ou aller sur la boutique pour choisir d’autres participations.

offrez-nous un café !

8 Comments

  1. Bravo à vous deux pour ce magnifique projet. J’ai hâte de lire la suite de l’aventure.

  2. Bravo à vous deux pour le travail déjà accompli.
    Courage et bonheur pour la suite 😘

  3. Super de suivre cette avancée dans les réparatifs qui vous imprégnent de chaque recoin de votre projet…
    Que la poussière s’envole et le savon noir embaume votre navire.

  4. je vous offrirais un café avec plaisir mais le système refuse d’accepter mon code postal et ne reconnait tout simplement pas l’Espagne…

  5. Bravo. Quel plaisir de suivre cette aventure. Bon courage.

  6. Quelle aventure ! J’arrive à l ‘étape cruciale du chantier ou le bateau se transforme après plusieurs heures passées à frotter, poncer, rincer, suer,… pour devenir votre voilier. Maintenant on peut vous appeler Capitaines….

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